Violine : la légende des pierres à souhait by Jema Arian

Auteur:Jema Arian [Jema Arian]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: auto-édité
Publié: 2024-02-19T23:00:00+00:00

CHAPITRE 25

Ardus éclata de rire tout en frappant la bouteille de pastel sur le dessus de la table.

C’était probablement le meilleur jour de sa vie. Juste avant le jour où il avait mis une véritable raclée aux cartes à son cousin Theod, fermant ainsi le clapet de ce prétentieux bouclé. Les yeux rivés sur son jeu, Ardus se mit à sourire au gré de ses pensées.

La petite peste devait sûrement être morte à présent. Cela faisait maintenant plus d’un jour qu’elle avait disparu du Palais, semant la panique parmi la Cour toute entière—ou presque.

Cette orgueilleuse avait enfin fini par payer pour ses humiliations et ses rabaissements permanents. Pour sa malice et sa fourberie. Pour sa cruauté envers lui … Enfin, songea Ardus. Elle n’était plus là. Elle ne pourrait plus assombrir son existence de son ombre omniprésente. Enfin—elle avait eu ce qu’elle méritait. Et le meilleur dans tout cela, c’était qu’il ne l’avait même pas fait exprès. Du moins—pas entièrement.

Il saisit la bouteille, but goulûment, puis essuya ses lèvres du revers de sa manche de soie argentée.

— Je double la mise, déclara-t-il avant d 'engloutir une nouvelle gorgée de pastel.

Ursul à sa gauche le suivit. Puis ce fut au tour de Carlus. Ce dernier dans un soupir posa ses cartes et les glissa lentement sur la table devant lui.

Ardus se balança en arrière sur sa chaise tout en s’esclaffant d’un rire fracassant. Cette journée était décidément l’une des meilleures de sa vie.

*

Il observa sa mère écroulée de tristesse dans le grand salon. Adora était assise dans son large fauteuil, la tête posée en arrière sur le bord du dossier, les yeux rougis, rivés au plafond, immobiles, en dehors des rares battements de cils qui la distinguait d’une statue. Bramund quant à lui faisait les cent pas dans la pièce, un verre à la main, le regard au sol, perdu dans ses pensées.

Ardus, lui, conserva une mine grave. Pour rien au monde il ne trahirait ses véritables sentiments vis-à-vis de l’événement, encore moins devant ses parents. Non—il garderait sa joie, son exultation secrète pour lui-même, loin de leurs regards inquiets, et de leurs mines abattues par la disparition soudaine de leur fille chérie.

— Elle est peut-être allée se promener près de la rivière ? dit-il, feignant l’inquiétude. Ehna a toujours aimé se rendre aux sources de pierres …

Ses parents ne lui accordèrent pas même un regard. De toute manière, il n’y en avait toujours eu que pour Ehna. Même dans la mort, cette petite peste parvenait à maintenir toute l’attention pour elle-même, songea-t-il, vert de rage.

Adora se redressa d’un coup sur son siège, les yeux luisants, écarquillés en grand. Elle porta une main à sa poitrine et d’une voix tremblante, chuchota d’un air hanté :

— Ehna … Ehna …

Puis, après un long moment où elle resta ainsi figée le regard dans le vide, Adora éclata en sanglots. Bramund, sans un mot, se posta auprès de son épouse, attrapa délicatement ses mains, et les serra dans les siennes avant de lui murmurer un semblant de paroles réconfortantes.

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